"Diab'less ! C'est l'heure ! Il faut que tu ailles au collège ! Et n'oublie pas ton frère !"
"Oui, maman…", répondis-je en maugréant,"pas Diab'less… Elise… Elise ! "
Ce surnom on m'l'avait donné parce que sur la p'tite pochette de mon sac, où je range habituellement ma carte de cantine et ma carte de car, il y avait, brodé au fil marron, le mot <<Diab'less>>.
Tiens, v'là le p'tit frère qui s'y met aussi… Il scande en faisant une croix avec ses doigts : "Diab'less ! Diab'less !" … Pff… Dix ans à peine et déjà insupportable !
"Tais toi, Georges !"
Hop, je soulève mon frère du sol et l'installe dans la grande pochette à fermeture éclair de mon sac. J'y ajoute nos goûters et mets mon sac sur mes épaules. Ouille ! C'est qu'il est lourd l'frangin ! Heureusement qu'il y a ces larges bretelles rembourrées pour amortir son poids !
Dehors, il fait froid, et en plus il pleut… un mètre d'eau, impossible de faire passer les cars ! Tant pis, il faut y aller quand même. Et puis, la nage n'a jamais fait de mal à personne ! Allez…brasse…crawl…brasse…crawl….souffle…c'est long ! Et l'frère qui n'arrête pas de brailler "Quand c'est qu'on arrive ?" , "J'ai froid !" , "Dépêche toi fainéante !". On voit bien que c'est pas lui qui nage !
L'eau qui s'est introduite dans le sac ne m'aide pas beaucoup à avancer ! Au moins, il se tait un peu, l'autre, quand l'eau l'recouvre ! Non mais oh…
J'en ai marre…Crac ! J'arrache l'ourson accroché à l'une des fermetures et le balance dans l'eau. Il flotte. Puis se métamorphose soudain en un grand ours tout brun, comme dans les contes ! Génial !
"Oh ! Oh ! Oh ! Je vous dépose quelque part, les enfants ?" Dit-il de sa voix grave.
Et c'est ainsi que nous pûmes aller au collège, à dos d'ours… Pas banal !
Pour remercier cette brave bête, je lui offris mon frère, il n'en fit qu'une bouchée… Bah oui quoi… comme on dit : <<Un d'perdu, un d'perdu !>>. Et puis de toutes façons, maman pourra toujours en faire un autre ! Sans l'option <<chiant>>, si possible.
Je finis par entrer dans le hall du collège après m'être fait électrocuter par le bouton de la porte -l'eau et l'électricité ne font pas bon ménage, dit-on- . De quoi j'dois avoir l'air, trempée jusqu'aux os, avec mes cheveux hirsutes ! Bon, tant pis, on règlera ça plus tard… Faut qu'je monte, maintenant ! Les cours ont commencé…
Diantre ! Pourquoi ont-ils mis un escalier en pente ?! C'est complètement débile ! Non mais j'vous jure ! En plus, il glisse ! Raaah… Heureusement qu'ils n'ont pas enlevé la rampe.
Oh hisse, oh hisse ! J'y suis presque ! Encore un peu ! Ayé !! Ouf…
"Mademoiselle Elise ! Vous êtes en retard !" Dit une voix d'outre tombe, "vous aurez quatre heures de colle !!"
"Quatre heures ?!" Protestai-je, "mais…"
"SILENCE !"
En moins d'deux, deux bras métalliques apparaissent au-dessus de moi et enlèvent mon sac. L'un des bras prend un immense pot sur lequel est inscrit <<colle>> et l'autre, armé d'un pinceau gigantesque m'enduit entièrement de cette matière poisseuse, puis je suis violemment projetée contre un mur.
Et voilà, quatre maudites heures à passer ici, figée sur un mur sale…C'est long…Terriblement long…Mon estomac commence à gargouiller. Et mon sac, abandonné au milieu du couloir…Mon précieux sac dans lequel se trouve mon goûter…Quelle journée !